1ère partie de la synthèse de la conférence UTILE sur les réformes des collectivités territoriales

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  Quelques réflexions relatives

     à la loi du 16 décembre 2010

portant sur la réforme des collectivités territoriales

et concernant la fonction publique territoriale

 

LES ELUS

En mars 2014, les conseillers territoriaux remplaceront à la fois les conseillers généraux et les conseillers régionaux et seront élus dans de « nouveaux cantons élargis », selon le même mode de scrutin que les conseillers généraux actuels, mais avec un seuil élevé de 10 % à 12,5% pour avoir le droit d’être présent au second tour.

Les élus, interlocuteurs des fonctionnaires territoriaux, dans les départements et dans les régions seront :

- moins nombreux dans les départements 

- plus nombreux dans les régions  (Ile-de-France : 308 conseillers territoriaux au lieu de 209 conseillers régionaux actuels) 

- avec des exécutifs aux effectifs beaucoup plus réduits en nombre, puisque plafonnés 

- beaucoup moins féminisés pour les régions (les conseils généraux comptent actuellement 12,3 % de femmes et les conseils régionaux avec un scrutin de liste et une alternance hommes/femmes atteignent 48 % de femmes) 

- beaucoup plus marqués par la bipolarisation, puisque les petits partis seront plus facilement éliminés par le phénomène de seuil. Il est probable que beaucoup d’assemblées n’auront plus que deux groupes d’élus, correspondant aux deux partis dominants (UMP et PS) et que les quelques rescapés des petits partis, élus parce qu’ils se seront plus ou moins inféodés aux grands, seront apparentés à ces groupes. Dès lors les débats risquent de tourner à l’affrontement encore plus vif entre une majorité et une opposition, dans la mesure où, dans beaucoup d’assemblées, la présence des minorités apportait de la souplesse et, souvent, la nécessité de négocier des compromis.

Les conseillers territoriaux devront faire la navette permanente entre le chef-lieu de département et le chef-lieu de région. Ils devront être capables de faire la synthèse entre les missions de proximité, et principalement de gestion du social au conseil général, et les missions stratégiques et prospectives qui sont celles du conseil régional. Ils seront constamment débordés et en déplacement. Dès lors leur suppléant aura une grande importance, ainsi, vraisemblablement, d’un staff technique dont ils devront s’entourer. Ce seront presque toujours des élus à temps plein, des professionnels de la politique attendant beaucoup de leurs collaborateurs. Certains pensent que la fonction inédite créera peu à peu un personnel politique d’un type nouveau, à forte connotation managériale.

Une interrogation demeure. Elle est été maintes fois formulée au cours des débats parlementaires. Le conseiller territorial sera-t-il plus tourné vers le département (et le canton, c’est-à-dire sa circonscription électorale) et assistera-t-on à une « cantonalisation » des politiques régionales ; ou, au contraire, le conseiller territorial sera-t-il  plus tourné vers la région, préparant ainsi une « évaporation » progressive des départements, voulue par certains ? La question du maintien d’un équilibre entre les deux niveaux, de la non-tutelle de fait d’un niveau sur l’autre, est sérieusement posée.

Il faut essayer de mesurer en quoi ces modifications politiques entraînent un changement pour l’encadrement de la fonction publique territoriale, appelé à travailler avec des élus d’un type nouveau, et probablement avec des méthodes nouvelles.

 

LES MISSIONS

La première mission des conseillers territoriaux sera d’établir et de faire voter par les conseils généraux et par les conseils régionaux un « Schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services » (SOCMS). Ils disposeront de six mois pour le faire.

Ce document sera d’une importance capitale pour la fonction publique territoriale.

Le gouvernement a nettement indiqué la finalité de ce schéma : « Définir la répartition optimale des compétences entre la région et les départements, en tirer les conséquences en termes de réorganisation des interventions financières et de mutualisation des services ».

L’observation  de ce que l’État a réalisé, depuis plusieurs années pour ses propres services, centraux ou déconcentrés, dans le cadre de la Réforme Générale des Politiques Publiques (RGPP) peut nous éclairer sur ce qui est susceptible d’arriver dans les services de la région et des départements. De toute manière, sans attendre l’échéance de 2014, le mouvement est déjà commencé depuis quelque temps, à des rythmes et selon des ampleurs différentes selon les lieux, mais dont le sens est facile à décrypter. Beaucoup d’observateurs ont analysé cet aspect de la loi du 16 décembre 2 011, comme une application de la RGPP aux collectivités territoriales.

Dans la pratique, deux mouvements peuvent se croiser, s’opposer ou se compléter :

- la départementalisation de services actuellement régionaux 

- la régionalisation de services actuellement départementaux

Ou, si l’on préfère :

la création d’un seul service à la fois départemental et régional, là où il y en a actuellement deux, un pour chacun des niveaux ; la localisation du service unique sera alors vraisemblablement régionale, la fusion de plusieurs services en un seul, aussi bien au niveau du département qu’à celui de la région.

Là encore, la manière dont l’État a procédé pour la restructuration de ses services déconcentrés dans les départements et dans les régions est très éclairante : globalement moins de services, par regroupement de plusieurs services en un seul ; rétrécissement draconien de la présence de l’État dans le département, au bénéfice d’un regroupement régional ; pouvoir hiérarchique renforcé du préfet de région sur les instances régionales et départementales.

Les objectifs d’un tel remue-ménage (appelé « rationalisation ») ont clairement été identifiés au cours des débats parlementaires :

- La diminution du nombre de structures, c’est la diminution du nombre de fonctionnaires. Lors d’un discours, François Fillon a nettement indiqué que l’objectif était de supprimer 55000 fonctionnaires territoriaux dans les deux ans qui viennent. La technique du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite peut être appliquée, mais ne figure pas dans la loi. Cette ambition s’accompagne de nombreuses déclarations stigmatisant les élus locaux qui continuent de recruter 36 000 nouveaux fonctionnaires par an, alors que l’État se montre responsable en réduisant ses effectifs.

- L’abandon, par les départements et les régions de pans entiers « d’engagements parasites » est à l’ordre du jour. Même si l’échéance de suppression de la clause de compétence générale pour les départements et pour les régions a été reportée au 1er janvier 2015, il est évident que tout sera fait d’ici là pour contraindre les conseils généraux et les conseils régionaux à « réduire la voilure », ne serait-ce que par étranglement financier. Ce sont tous les engagements volontaires, hors des compétences d’attribution exclusives ou partagées, qui sont visés, et, par conséquent tous les services qui gèrent ces interventions. Il serait utile d’en établir la liste, collectivité par collectivité. Dans ce domaine la stigmatisation est aussi beaucoup employée. Les élus se mêleraient de beaucoup trop de questions, et de questions qui ne regarderaient pas vraiment les politiques publiques et seraient beaucoup mieux traitées par des interventions privées.

- La volonté de mettre fin ou du moins de considérablement réduire les « financements croisés », eux aussi fortement dénoncés comme gaspilleurs de l’argent public, va conduire à une réduction des services chargés de les négocier et de les gérer. Repliée sur ses blocs de compétences exclusives, la collectivité devrait avoir moins « de relations extérieures ». Cependant, l’application du Schéma d’Organisation des Compétences et de Mutualisation des Services nécessitera des conventions fixant la durée, les objectifs et les modalités de contrôle des délégations entre les départements et les régions.

Les techniques qui seront employées pour réduire le nombre de fonctionnaires territoriaux sont déjà à l’œuvre et peuvent être facilement identifiables :

- le développement d’une fonction publique territoriale contractuelle par rapport à une fonction publique territoriale titulaire. Le mouvement lancé par la loi du 24 avril 1984 est aujourd’hui totalement inversé. Les statistiques à ce sujet sont éloquentes ;

- le recours à des CDD courts et non-renouvelables à la place de CDD longs et renouvelables ; 

- l’usage de la flexibilité, et de la mobilité géographique ; il faut s’attendre, nous l’avons vu plus haut, à un grand déménagement de personnels entre les départements et les régions.

- la multiplication des temps partiels ;

- l’externalisation d’un nombre croissant de fonctions…

Notons que cette logique n’atteint pas que les départements et les régions. De nombreuses dispositions de la loi prévoient l’accentuation systématique des réorganisations commencées depuis plusieurs années, par mutualisation des services, mises à disposition de personnels (et de matériels), temps professionnels partagés entre les communes, entre les communes et leurs Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), entre les EPCI eux-mêmes. Ces mouvements peuvent s’effectuer dans le cadre, mais aussi hors du cadre, de délégations de compétences.

 

 Georges Gontcharoff

 journaliste de la revue Territoires,

spécialisée dans la gestion des collectivités territoriales

et l’animation de la démocratie locale

8 janvier 2011

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Publié dans Actualités

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